HAUT DE PAGE

NOUS VOILÀ DANS DE BEAUX DRAPS !

Rideaux, voilages, drapés... Quand la matière s’efface pour habiller les environs du jour. Et de la nuit.

Époque et fils. Mais de quels « fils » s’agit-il ? En mai 1977, les éditions Galilée publiaient un roman rudement tramé de l’oublié Serge Doubrovsky.Son titre ? Fils. L’occasion pour le « Monsieur Bouquins lus à la télé » - Bernard Pivot - dans son rendez-vous littéraire du vendredi soir sur la deuxième chaîne de télévision de taquiner les mots : ce « fils », s’écrit-il au singulier afin de raconter l’enfant d’un père et d’une mère ; ou bien au pluriel pour entremêler les fibres du tissu d’une histoire ? À vrai dire, peu importait la réponse. Certains mots sont décidément des sacs de noeuds. Pas question pour autant d’en perdre le fil. Sans chichis ni falbalas. De décoration et d’ameublement, tissages et étoffes de parement sont dans la pelote du temps. Aujourd’hui encore ils traversent époques, empires, républiques et dynasties, comme les témoins de modes de vie dont ils ne sont pas les accessoires mais les repères. L’évolution de leurs techniques de fabrication accompagne de si près l’histoire de millénaires qu’elle en épouse dans la paix comme dans la guerre les désirs et la façon d’être, les goûts et les couleurs. Montre-moi ton étoffe, je te dirai qui tu es.

 

Longtemps, la tenue d’un drapé valait par sa lourdeur. Empesée, figée, lestée comme un bourdon. Et puis le drapé s’est envolé comme un papillon. Comme ont disparu les voilages blanc fadasse qui, dans les années 1950, 1960 et 1970, pendaient devant fenêtres et baies vitrées, comme de tristounets moucharabiés de nylon. Ils étaient un élément du décor et du théâtre d’un cadre de vie. Voilà qu’ils en sont devenus une part d’âme. Désormais la lumière – extérieure comme intérieure – joue avec eux. Ils créent une géographie d’atmosphères : marines-balnéaires, cocon montagnardes, chic-urbaines. Depuis plus d’un siècle, Barrière habille de fils et tissus ses murs, son mobilier, ses restaurants, ses terrasses extérieures, ses plages, ses salons parés de fins velours « fouquetés ». Il y a Deauville et ses chambres habillées de toile de Jouy, mais aussi, au-delà des Planches et sur le sable, la rude toile marine des parasols bigarrés face aux coups de vent et de soleil. Il y a Dinard et le voile perlé des lumières de la marée bretonne. La Baule dans la légèreté des brises atlantiques. Cannes et ses canovas aérés, Cannes et le filage des stores rougissimes de la façade blanche du Majestic Barrière. Courchevel et le grain chaud de l’écru en altitude. Mais, toujours, quelque chose d’aérien. La matière s’efface pour habiller les environs du jour. Et de la nuit. Le rideau n’est plus un écran. Avec légèreté il encadre l’éclairage, il l’accompagne en s’évanouissant.