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Yves Saint Laurent

Pour lui, six musées parisiens poussent les murs. Chic ! Yves Saint Laurent est l'affiche

Yves Saint Laurent ne se résume pas à la ligne du smoking qu'il offre aux femmes depuis 1966. Soixante ans après son premier défilé haute couture, pas moins de six musées parisiens ont choisi de regarder autrement celui qui a révolutionné son temps.

 

On n’emprisonne pas le soleil, disait Yves Saint Laurent. Longtemps les musées ont été des garde-rêves. Comme on le dit des garde-meubles. La chasse gardée des étiquettes, des répertoires, des vitrines et des mises en scène académiques. Ils stockaient la liberté que d’autres avaient envisagé de vivre et de partager loin des serrures et des machines à écrous. Bien sûr il fallait préserver les créations, apprendre d’elles, les transmettre. Mais, décidément, on n’emprisonne pas le soleil, sa lumière et les univers qu’elle crée. 

 

Toute sa vie de créateur, Yves Saint Laurent (1936 - 2008) n’a cessé d’être un fugitif. Même si la patrouille des grâces artistiques l’a toujours rattrapé en éprouvant un malin plaisir à le glisser dans ses catalogues et ses rubriques : couturier, créateur... Dans l’histoire des musées parisiens, 2022 sera donc griffée YSL. Sous l’aile bienveillante d’un anniversaire : 60 ans. Il y a soixante ans, en effet, - le 29 janvier 1962, Rue Spontini, rive droite à Paris - un dadais à l’ancienne, âgé de 26 ans, planqué derrière ses lunettes aux grosses montures et blouse blanche de salon, mais cadet de génie, relevait le sceptre de Christian Dior en présentant son premier défilé et sa première collection, «intensément libre et androgyne» souligne alors son ami et détricoteur des soucis d’intendance et de financements, Pierre Bergé. Ces soixante ans de nuances d’un temps, d’un trait de dessin et de correspondances sont l’idée qu’ont trouvée six musées parisiens pour dire combien les années Saint Laurent, amoureux de la vivacité de la vie, ont bouleversé la culture des grandes maisons en offrant une «haute culture» au design affirmé. On l’a vu lors de l’époustouflant défilé de 40 années de créations de couture mis en scène le 12 juillet 1998 au Stade de France, quelque deux heures avant que l’équipe de France ne devienne championne du monde de football. 

 

Depuis, voilà plus de deux décennies déjà, les musées ont cassé les cadenas : cette année le Centre Pompidou, le musée du Louvre, le musée d’Art moderne de Paris, le musée d’Orsay, le musée national Picasso-Paris et le musée Yves Saint Laurent Paris ont choisi de ne pas être seulement des gardiens mais des passeurs. Voilà comment, jusqu’au 15 mai 2022, ce Club des Six raconte que sculpter les étoffes les plus précieuses ou les moins prétentieuses est un art de l’excellence, de proximité, sans chichi, qui vit dans la clarté des dessins qui éclairent les vestiaires des femmes - on ne disait pas encore «dressing» dans les années 1960-1970 -, à la fois somptueuses et jolies. Souvent on parle de «code» en évoquant Yves Saint Laurent, code esthétique reconnaissable, de coupe, de matière, d’influence. Certains évoquent même la marque d’un génie. Peut-être dans la définition inattendue du nom d’Albert Einstein dont l’anagramme des lettres du patronyme révèle cette incroyable clé : «Albert Einstein = rien n’est établi»... Ce que révèlent les expositions des six musées parisiens c’est que, avec Saint Laurent, rien en effet n’est établi. Sauf l’attente avant le trait, la coupe, le murmure, l’anxiété, l’harmonie de l’ensemble.  

 

Avec lui, la mode change de statut. Cela donne les Trois Glorieuses qui installent un nom, un art, un envol. Dans les collections YSL, le grand savoir-faire et séduire cède la place à l’empreinte de la vivacité du monde en même temps que de son innocence. Hors norme. 1965 : une référence d’une inédite technicité à la peinture géométrique de Mondrian. 1966 : le smoking légendaire érigé par les plus grands magazines internationaux au firmament des «pièces mode intemporelles chic». 1967 : la saharienne, le luxe de la sobriété. La ligne claire. Directe. Le trait, la ligne : c’est un dialogue de ciseau et de pinceau qu’invente Saint Laurent avec Pablo Picasso, Vincent van Gogh, Georges Braque, Henri Matisse, Fernand Léger ou Pierre Bonnard. C’est de cet esprit de liberté que les six musées parisiens tirent aujourd’hui non pas la légitimité de leur engagement derrière Saint Laurent, mais une certaine énergie à transmettre ce que peuvent dire le ciseau, comme le pinceau. 

www.museeyslparis.com